Évaluation des établissements, attention danger !

L’évaluation des établissements, confiée au Conseil d’évaluation de l’École, est inscrite dans la loi de 2019 dite « pour une École de la confiance ». Chaque établissement a vocation à être évalué tous les 5 ans, c’est donc au final un cycle permanent d’évaluation auquel se livre l’institution avec 20% des établissements évalués chaque année.

Le cadre de l’évaluation affiche « une finalité formative d’amélioration et d’accompagnement ». Mais dans la réalité, elle vise à faire porter à l’établissement la responsabilité des difficultés rencontrées. Elle est extrêmement chronophage pour les équipes et, surtout, complètement déconnectée de la question des moyens. On nous demande de faire mieux avec des moyens constamment en baisse.

L’évaluation se déroule en deux temps.
Tout d’abord, une auto-évaluation qui couvre quatre domaines et s’appuie aussi sur les données statistiques de l’établissement. Tous les acteurs sont censés y participer (personnels, parents, élèves) en répondant à des questionnaires ou à des questions plus ouvertes (quels sont les points forts / les points faibles). Attention à ne pas se laisser berner par la dimension participative de la démarche. Il s’agit là d’une méthode particulièrement pernicieuse du nouveau management public, c’est un piège : on nous demande de fixer nous-mêmes des objectifs que l’institution pourra ensuite exiger de nous.
Les personnels n’ont aucune obligation de répondre aux questionnaires et autres « boites à outils » mis à la disposition des directions pour les inciter à participer au dispositif. De même, il ne peut être imposé aux équipes de faire partie du comité de pilotage ou d’assister aux multiples réunions. La participation des collègues ne relève que du volontariat.

A l’issue de la phase d’auto-évaluation, le chef établissement établit un rapport d’auto-évaluation, qui n’est que « communiqué » au CA. C’est l’occasion pour les représentantes des personnels d’exposer leur point de vue sur la démarche.

Une évaluation externe a lieu dans un deuxième temps. Le dossier d’auto-évaluation est remis à une équipe de 3 à 4 évaluateurs (IPR, personnel de direction) qui identifie « les points forts de l’établissement » et repère « ses marges de progrès ». Une visite de l’établissement est prévue. Là encore, il n’y a aucune obligation pour les personnels d’assister à des temps d’entretien individuels ou collectifs. De même, il est prévu toute une série « d’observations », y compris de séquences pédagogiques. Il est évident que l’accord préalable des collègues doit être sollicité pour une observation qui ne relève pas de l’accompagnement individuel ou du rendez-vous de carrière.
A l’issue de la visite, un pré-rapport souligne les points forts de l’établissement ainsi que ceux sur lesquels il est invité à progresser et produit des recommandations. Après une phase d’échange, le rapport final est transmis au chef d’établissement et au CA. Attention, aucun vote n’est requis ! Sinon le rapport deviendrait contraignant et donc dangereux. C’est à nouveau l’occasion pour les personnels de faire entendre leur voix d’autant que l’établissement dispose de 15 jours pour faire part des observations écrites qu’il souhaite apporter et qui seront annexées au rapport définitif.

Pour conclure, c’est une évaluation qui s’inscrit pleinement dans la continuité de la politique de contractualisation (pas de moyens supplémentaires si les objectifs ne sont pas remplis) et qui doit déboucher sur l’élaboration ou la modification du projet d’établissement et du contrat d’objectifs. C’est un outil pour imposer des pratiques aux personnels et faire des économies (par exemple sur l’orientation, on ne recrute plus, on externalise les CIO et on confie la mission aux profs principaux qui ne sont pas formés pour cela). Elle permet de casser le cadre national de l’Éducation nationale avec des projets qui seraient spécifiques à chaque établissement. Elle sert enfin, sous des mots creux flatteurs (« partagé » « coconstruction » « acteurs » « territoire ») à culpabiliser les personnels engagés à réaliser des « progrès » quand l’État, lui, détruit les emplois et s’attaque aux métiers.

  • C’est aux personnels de décider s’ils s’engagent ou non dans la procédure globale car elle ne relève pas des obligations de service. Selon le rapport de force, investir collectivement la démarche peut être une stratégie pour contrecarrer toute tentative qui n’aurait pas l’accord des personnels sur l’évaluation des élèves (le projet local d’évaluation pourrait y trouver son écho au collège), les pratiques pédagogiques, le numérique, l’inclusion, l’utilisation des parts libres de la DGH, l’orientation, la réforme de l’éducation prioritaire… et revendiquer des moyens comme on le fait au moment de la DGH.
    - Le droit de dire non et de refuser le processus
    Après avoir rappelé collectivement leurs attentes pour retrouver des marges de manœuvre et redonner du sens à leur métier, les équipes gagneront du temps et de l’énergie en s’épargnant ces réunions. Un modèle de courrier est disponible ici