5 mai 2024

Vie syndicale

Lycée Diderot : pétition contre la classe « prépa » seconde

Parmi les mesures néfastes du « choc des savoirs » figure la classe « prépa seconde ». Cette classe a vocation à partir de 2025 à accueillir les élèves recalés au brevet des collèges qui devient un couperet pour accéder au lycée. Pour 2024, le ministère ne crée qu’une classe par département. Le lycée Diderot a été choisi par la direction de l’académie de Paris pour accueillir la classe « prépa seconde » pour Paris pour la rentrée prochaine. La liste unitaire des collègues du lycée Diderot ont lancé une pétition que nous vous invitons à signer et à relayer !
Signez la pétition ici

Nous, professeur.e.s du Lycée Diderot dans le 19e arrondissement, avons appris que notre lycée accueillerait en septembre 2024 l’unique classe de “prépa seconde” de Paris. Cette classe est destinée à ne scolariser que des élèves ayant échoué au brevet. Nous refusons que notre lycée, déjà fragilisé par la réforme Affelnet, concentre encore davantage d’élèves en situation de détresse scolaire, sociale ou personnelle.

Plus généralement, nous tenons à exprimer notre refus de voir l’éducation nationale mettre en place la classe dite de “prépa seconde”, qui ghettoïse les élèves en grande difficulté, leur offre un programme scolaire au rabais et diminue drastiquement leurs chances de poursuivre leurs études.

Une classe ghetto dans un lycée en difficulté

“Je ne voulais pas être dans la classe des déchets“, c’est ainsi que Patrick, 14 ans, avait justifié d’avoir mis le feu au collège Pailleron dans le XIXe arrondissement, en 1973.

Rassembler des élèves ayant pour point commun un échec à l’examen ne fera que les stigmatiser et renforcer leurs difficultés.

C’est l’aboutissement des groupes de niveau prévus au collège et rejetés par toute la profession et la recherche en éducation qui institutionnalisent le tri social, figent les destins scolaires et nourrissent le stress des uns et la stigmatisation des autres.

L’échec au diplôme national du brevet (DNB) va de pair avec les inégalités sociales des territoires en Ile de France. A ce titre, pourquoi ouvrir cette classe qui rassemblera des élèves défavorisés dans un établissement qui, déjà, est caractérisé par une part importante de cette catégorie sociale et qui n’a pas bénéficié de la progression de la mixité scolaire et sociale constatée dans la majorité des lycées publics parisiens ?

L’académie de Paris a publié le 4 mars 2024 un rapport du Comité de suivi d’Affelnet témoignant du fait que Diderot figure parmi les 3 lycées ayant le plus faible IPS de l’académie.

C’est donc en connaissance de cause de ce processus de ghettoïsation que le rectorat fait le choix d’implanter une classe qui aggravera la situation en accueillant des élèves en grande difficulté. L’ambition de l’Académie sur le “fort enjeu de mixité scolaire et sociale au sein de ses lycées” semble s’arrêter aux portes de notre lycée.

Et pourquoi aucune de ces “prépa-seconde” n’est-elle envisagée dans l’enseignement privé ?

Au delà du cas précis de notre établissement, nous refusons la violence symbolique et le recul historique que constituent la création de cette classe ghetto et l’instauration d’une sélection par le brevet à l’entrée du lycée professionnel, comme du lycée général et technologique.


Une formation au rabais

Moins d’heures qu’en troisième

Pédagogiquement, les textes officiels prétendent que la classe de prépa seconde vise à “consolider les attendus du socle” et à préparer la seconde” pour ces élèves en difficulté. Mais c’est une supercherie : ils auront moins d’heures en français, en langues vivantes, en mathématiques, en histoire-géographie, en sciences et technologie que leurs camarades de Troisième ou de Seconde générale. La “prépa seconde", c’est donc moins d’heures de cours que n’en offre un redoublement : 20 heures de matières scolaires contre 26 en Troisième.

Pas de programme

Le contenu de formation de ce bloc disciplinaire de 20h n’est pas défini : c’est une classe sans programme. Les contenus seront donc définis localement.

Comment imaginer “consolider la maîtrise des attendus de fin de troisième” (Bulletin Officiel de l’Education nationale, BO) qui est l’objectif affiché de ce bloc de 20 heures avec moins d’heures qu’en troisième ? Un élève qui vise une consolidation des attendus de fin du troisième, par exemple pour viser une seconde générale dans laquelle il aura été admis, ferait mieux de redoubler une troisième.

Un autre bloc de 7h

Le ministère prévoit aussi un bloc hebdomadaire de 7 heures pour “contribuer au renforcement des méthodes de travail ou à la découverte des métiers et des formations”. “Ce temps scolaire est différencié selon les voies d’orientation des élèves et modulable, à l’échelle de l’établissement, selon leurs besoins et projets.” Quels moyens pour ces intentions de différenciation et d’enseignement modulaire, de concertation ? Aucun.

La classe « prépa-seconde » se pare des oripeaux de la bienveillance vis à vis des élèves en situation d’échec scolaire, elle n’est que l’un des avatars des dispositifs « cul-de-sac » pour les jeunes jugés les moins performants du système.

Une voie express vers la sortie du système scolaire

A la fin de cette année de “prépa” les élèves auront 16 ans et ne relèveront plus de la scolarité obligatoire.

L’objectif de décrocher le brevet n’est pas inscrit dans le BO. Le Premier ministre semble pourtant en faire à partir de 2025 un attendu pour entrer en seconde et viser la baisse du taux de réussite au brevet. Qu’adviendra-t-il des élèves à l’issue de la “prépa seconde” sans brevet ?

Nous craignons que ces élèves, en difficulté scolaire voire décrocheurs, ne soient poussés vers la sortie du système scolaire, vers l’apprentissage ou le marché du travail sans aucun diplôme.

Sans précision sur le contenu, les heures du bloc de 7 heures pourront avant tout être consacrées à la recherche d’une réorientation hors du lycée, y compris hors de la voie professionnelle. Cela laisse penser que cette “prépa seconde” est plutôt une “prépa apprentissage” dirigeant ces jeunes vers les CFA (centre de formation d’apprentis). Il faut alors avoir conscience que la taux de rupture de contrat d’apprentissage est de l’ordre de 30%, avec pour conséquence l’arrêt de la formation faute de contrat.

Par ailleurs depuis 2022, à partir de 16 ans, tous les jeunes qui quittent la scolarité peuvent bénéficier de 500 euros par mois dans le cadre d’une sorte de RSA junior. Ce “contrat d’engagement jeune” limité dans le temps mais renouvelable incite déjà les élèves des familles en difficulté financière à quitter le système scolaire – la voie de garage de la “prépa seconde” sera le tremplin idéal.

Les élèves des anciennes “6e de transition” avaient bien conscience que leur « destin scolaire » est scellé, et que le « retour possible » dans les classes « normales » est une fable, comme en témoignent ces images d’archives

https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/i22007836/eleves-d-une-classe-de-transition

Malgré l’affichage qui se veut dans la ligne d’un dispositif de raccrochage, dans une telle configuration, cette classe « prépa-seconde » ne préparera à rien . Elle conduira, presque inévitablement, vers la sortie du système scolaire, dès 16 ans, pour plus de 10% des élèves : c’est une bombe à retardement sociale que le gouvernement vient de dégoupiller sans aucun contrôle démocratique.